Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/76

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cette liberté que se montre la spiritualité de son ame : car la Physique explique en quelque maniere le mécanisme des sens & la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, & dans le sentiment de cette puissance, on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n’explique rien par les de la mécanique.

Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laisseroient quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme & de l’animal, il y a une autre qualité tres-spécifique qui les distingue, & sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner, faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres ; & réside parmi nous, tant dans l’espece que dans l’individu ; au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toutes vie, & son espece, au bout de mille ans, ce qu’elle étoit la premiere année de ces mille ans. Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif, & que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis & qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme, reperdant par la vieillesse ou d’autres accidens tout ce que sa perfectibilité lui avoit fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il seroit triste pour nous d’être forcés de convenir que cette faculté distinctive & presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme ; que c’est elle qui le tire, à force de tems, de cette condition originaire dans laquelle il couleroit des jours tranquilles & innocens ; que c’est elle qui, faisant éclore avec les siecles ses lumieres