Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/270

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amuser les enfans, l’union des sexes comme l’acte le plus indifférent en soi, la fidélité conjugale comme une apparence obligatoire dont toute la moralité regardoit l’opinion, le repos des maris comme la seule regle du devoir des femmes ; en sorte que des infidélités ignorées, nulles pour celui qu’elles offensoient, l’étoient aussi pour la conscience ; enfin il lui persuada que la chose en elle-même n’étoit rien, qu’elle ne prenoit d’existence que par le scandale, & que toute femme qui paroissoit sage, par cela seul l’étoit en effet. C’est ainsi que le malheureux parvint à son but en corrompant la raison d’un enfant dont il n’avoit pu corrompre le cœur. Il en fut puni par la plus dévorante jalousie, persuadé qu’elle le traitoit lui-même comme il lui avoit appris à traiter son mari. Je ne sais s’il se trompoit sur ce point. Le ministre P***.

[Perret] passa pour son successeur. Ce que je sais, c’est que le tempérament froid de cette jeune femme qui l’auroit dû garantir de ce systême, fut ce qui l’empêcha dans la suite d’y renoncer. Elle ne pouvoit concevoir qu’on donnât tant d’importance à ce qui n’en avoit point pour elle. Elle n’honora jamais du nom de vertu une abstinence qui lui coûtoit si peu.

Elle n’eût donc gueres abusé de ce faux principe pour elle-même ; mais elle en abusa pour autrui & cela par une autre maxime presque aussi fausse, mais plus d’accord avec la bonté de son cœur. Elle a toujours cru que rien n’attachoit tant un homme à une femme que la possession & quoiqu’elle n’aimât ses amis que d’amitié, c’étoit d’une amitié si tendre qu’elle employoit tous les moyens qui dépendoient