Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/297

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toujours été fâché de ne l’avoir pas gardé. À ces livres je joignis cinq ou six mémoires manuscrits & un seul imprimé, qui étoit du fameux Micheli Ducret, homme d’un grand talent, savant, éclairé, mais trop remuant, traité bien cruellement par les magistrats de Geneve & mort dernierement dans la forteresse d’Arberg où il étoit enfermé depuis longues années, pour avoir, disoit-on, trempé dans la conspiration de Berne.

Ce mémoire étoit une critique assez judicieuse de ce grand & ridicule plan de fortification qu’on a exécuté en partie à Geneve, à la grande risée des gens du métier qui ne savent pas le but secret qu’avoit le Conseil dans l’exécution de cette magnifique entreprise. M. Micheli ayant été exclu de la chambre des fortifications pour avoir blâmé ce plan, avoit cru, comme membre des Deux-Cents & même comme citoyen, pouvoir en dire son avis plus au long & c’étoit ce qu’il avoit fait par ce mémoire qu’il eut l’imprudence de faire imprimer, mais non pas publier ; car il n’en fit tirer que le nombre d’exemplaires qu’il envoyoit aux Deux-Cents & qui furent tous interceptés à la poste par ordre du Petit Conseil. Je trouvai ce mémoire parmi les papiers de mon oncle, avec la réponse qu’il avoit été chargé d’y faire & j’emportai l’un & l’autre. J’avois fait ce voyage peu après ma sortie du Cadastre & j’étois demeuré en quelque liaison avec l’avocat Coccelli, qui en étoit le chef. Quelque tems après le directeur de la douane s’avisa de me prier de lui tenir un enfant & me donna Madame Coccelli pour commere. Les honneurs me tournoient la tête & fier d’appartenir de si près à M. l’Avocat, je tâchois