Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/420

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rai jamais les conclusions que j’en ai tirées avec l’approbation de ma conscience & de ma raison, & je m’y tiens désormais. Que tous les philosophes viennent ergoter contre : ils perdront leur tems & leurs peines. Je me tiens pour le reste de ma vie en toute chose, au parti que j’ai pris quand j’étois plus en état de bien choisir.

Tranquille dans ces dispositions, j’y trouve, avec le contentement de moi, l’espérance & les consolations dont j’ai besoin dans ma situation. Il n’est pas possible qu’une solitude aussi complete, aussi permanente, aussi triste en elle-même, l’animosité toujours sensible & toujours active de toute la génération présente, les indignités dont elle m’accable sans cesse, ne me jettent quelquefois dans l’abattement, l’espérance ébranlée, les doutes décourageans reviennent encore de tems à autre troubler mon ame & la remplir de tristesse. C’est alors qu’incapable des opérations de l’esprit nécessaires pour me rassurer moi-même, j’ai besoin de me rappeller mes anciennes résolutions, les soins, l’attention, la sincérité de cœur que j’ai mises à les prendre reviennent alors à mon souvenir & me rendent toute ma confiance. Je me refuse ainsi à toutes nouvelles idées comme à des erreurs funestes, qui n’ont qu’une fausse apparence, & ne sont bonnes qu’à troubler mon repos.

Ainsi retenu dans l’étroite sphere de mes anciennes connoissances, je n’ai pas, comme Solon, le bonheur de pouvoir m’instruire chaque jour en vieillissant, & je dois même me garantir du dangereux orgueil de vouloir apprendre ce que je suis désormais hors d’état de bien savoir. Mais s’il me