Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/116

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au moins à tellement disparu à mes yeux, que dans tout ce que vous m’aviez démontre je ne vois plus qu’un problème insoluble, un mystère effrayant impénétrable, que la seule conviction du coupable peut éclaircir à mes yeux.

Nous pensons bien différemment, Monsieur, vous & moi sûr cet article. Selon vous l’évidence des crimes supplée cette conviction, & selon moi cette évidence consiste si essentiellement dans cette conviction même qu’elle ne peut exister sans elle. Tant qu’on n’a pas entendu l’accuse les preuves qui le condamnent, quelque sortes qu’elles soient, quelque convaincantes qu’elles paroissent, manquent du sceau qui peut les montrer telles, même lorsqu’il n’a pas été possible d’entendre l’accuse, comme lorsqu’on fait le procès à la mémoire d’un mort, car en présumant qu’il n’auroit rien eu à répondre on peut avoir raison, mais on a tort de changer cette présomption en certitude pour le condamner, & il n’est permis de punir le crime que quand il ne reste aucun moyen d’en douter. Mais quand on vient jusqu’à refuser d’entendre l’accuse vivant & présent, bien que la chose soit possible & facile, quand on prend des mesures extraordinaires pour l’empêcher de parler, quand on lui cache avec le plus grand soin l’accusation l’accusateur les preuves, des-lors toutes ces preuves devenues suspectes perdent toute leur forcé sûr mon esprit. N’oser les soumettre à l’épreuve qui les confirme c’est me faire présumer qu’elles ne la soutiendroient pas. Ce grand principe, base & sceau de toute justice, sans lequel la société humaine crouleroit par ses fondemens est si sacré si inviolable dans la pratique que quand toute la ville auroit vu un homme