Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/139

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que toutes ces vertus que vous me vantez dans les arbitres de sa destinée sont telles que non-seulement, grace au Ciel je m’en sens incapable, mais que même je ne les conçois pas. Comment peut-on aimer un monstre qui fait horreur ? Comment peut-on se pénétrer d’une pitié si tendre pour un être aussi malfaisant aussi cruel aussi sanguinaire ? Comment peut-on choyer avec tant de sollicitude le fléau du genre-humain, le ménager aux dépens des victimes de sa furie, & de peur de le chagriner lui aider presque à faire du monde un vaste tombeau ?.... Comment Monsieur, un traître, un voleur, un empoisonneur, un assassin !........ J’ignore s’il peut exister un sentiment de bienveillance pour un tel être parmi les Démons, mais parmi les hommes un tel sentiment me paroîtroit un goût punissable & criminel bien plutôt qu’une vertu. Non, il n’y a que son semblable qui le puisse aimer.

Le François.

Ce seroit, quoique vous en puissiez dire, une vertu de l’épargner, si dans cet acte de clémence on se proposoit un devoit remplir plutôt qu’un penchant à suivre.

Rousseau.

Vous changez encore ici l’état de la question, & ce n’est pas-la ce que vous disiez ci-devant : mais voyons.

Le François.

Supposons que le premier qui a découvert les crimes de ce misérable & son caractere affreux se soit cru oblige, comme il l’étoit sans contredit, non-seulement à le démasquer aux