Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/157

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à ses reproches les endurent uniquement pour son bien, & de peur de lui faire la moindre peine, ils se laissent traiter par lui avec un mépris que leur silence autorise de plus en plus. Qu’une douceur si grande qu’une si sublime vertu anime généralement tous ses ennemis, sans qu’un seul démente un moment cette universelle mansuétude, convenez que dans une génération qui naturellement n’est pas trop aimante, ce concours de patience & de générosité est du moins aussi étonnant que celui de malignité dont vous rejettez la supposition.

La solution de ces difficultés doit se chercher selon moi dans quelque intermédiaire qui ne suppose dans toute une génération ni des vertus angéliques ni la noirceur des Démons, mais quelque disposition naturelle au cœur humain qui produit un effet uniforme par des moyens adroitement disposes à cette fin. Mais en attendant que mes propres observations me fournissent la -dessus quelque explication raisonnable, permettez-moi de vous faire une question qui s’y rapporte. Supposant un moment qu’après d’attentives & impartiales recherches, J. J., au lieu d’être l’ame infernale & le monstre que vous voyez en lui, se trouvât au contraire un homme simple sensible & bon, que son innocence universellement reconnue par ceux mêmes qui l’ont traite avec tant d’indignité vous forçat de lui rendre votre estime & de vous reprocher les durs jugemens que vous avez portes de lui : rentrez au fond de votre ame, & dites-moi comment vous seriez affecte de ce changement ?

Le François.

Cruellement, soyez-en sûr. Je sens qu’en l’estimant &