Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/166

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& bien unis, comme ils le sont toujours pour le crime peuvent fasciner les yeux, quand des gens qu’on ne croit pas se connoitre se concerteront bien entr’eux ; quand aux deux bouts de l’Europe des imposteurs d’intelligence & diriges par quelque adroit & puissant intrigant se conduiront sûr le même plan, tiendront le même langage, présenteront sous le même aspect un homme à qui l’on a ôte la voix les yeux les mains & qu’on livre pieds & poings lies à la merci de ses ennemis. Que vos Messieurs au lieu d’être tels soient ses amis comme ils le crient à tout le monde, qu’étouffant leur protégé dans la fange, ils a’agissent ainsi que par bonté par générosité par compassion pour lui, soit ; je n’entends point leur disputer ici ces nouvelles vertus : mais il résulte toujours de vos propres récits qu’il y a une ligue, & de mon raisonnement que si-tôt qu’une ligue existe, on ne doit pas pour juger des preuves qu’elle apporte s’en tenir à regles ordinaires, mais en établir de plus rigoureuses pour s’assurer que cette ligue n’abuse pas de l’avantage immense de se concerter, & par-la d’en imposer comme elle peut certainement le faire. Ici je vois, au contraire, que tout se passe entre gens qui se prouvent entr’eux sans résistance & sans contradiction ce qu’ils sont bien aises de croire, que donnant ensuite leur unanimité pour nouvelle preuve à ceux qu’ils désirent amener à leur sentiment, loin d’admettre au moins l’épreuve indispensable des réponses de l’accuse, on lui dérobé avec le plus grand soin la connoissance de l’accusation, de l’accusateur, des preuves & même de la ligue. C’est faire cent sois pis qu’à l’Inquisition : car si l’on y forcé le prévenu de s’accuser lui-même, du moins on