Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/183

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sur les quais, ou parer les chambres des cabarets & les boutiques des barbiers.

Je ne prétends pas vous donner pour des réalités toutes les idées inquiétantes que fournit à J. J. l’obscurité profonde dont on s’applique à l’entourer. Les mysteres qu’on lui fait de tout ont un aspect si noir qu’il n’est pas surprenant qu’ils affectent de la même teinte son imagination effarouchée. Mais parmi les idées outrées & fantastiques que cela peut lui donner, il en est qui, vu la maniere extraordinaire dont on procède avec lui, méritent un examen sérieux avant d’être rejetées. Il croit, par exemple, que tous les désastres de sa destinée depuis sa funeste célébrité sont les fruits d’un complot forme de longue main dans un grand secret entre peu de personnes, qui ont trouve le moyen d’y faire entrer successivement toutes celles dont ils avoient besoin pour son exécution ; les Grands, les Auteurs, les Médecins ( cela n’étoit pas difficile ) tous les hommes puissans, toutes les femmes galantes, tous les corps accrédités, tous ceux qui disposent de l’administration, tous ceux qui gouvernent les opinions publiques. Il prétend que tous les evenemens relatifs à lui qui paroissent accidentels & fortuits ne sont que de successifs développemens concertes d’avance & tellement ordonnes que tout ce qui lui doit arriver dans la suite à déjà sa place dans le tableau, & ne doit avoir son effet qu’au moment marque. Tout cela se rapporte assez à ce que vous m’avez dit vous-même & à ce que j’ai cru voir sous des noms differens. Selon vous c’est un système de bienfaisance envers un scélérat ; selon lui c’est un complot d’imposture contre un innocent ; selon moi, c’est une ligue dont je ne