Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/203

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talens ou de celle moins éclatante que donne un caractere estimable. J’ai voulu voir s’il étoit curieux de l’histoire des réputations naissantes ou déclinantes, s’il épluchoit malignement celles qui faisoient le plus de bruit, comment il s’affectoit des succès ou des chutes des livres & des auteurs, & comment il supportoit pour sa part les dures censures des critiques, les malignes louanges des rivaux, & le mépris affecté des brillans écrivains de ce siecle. Enfin je l’ai examine par tous les sens ou mes regards ont pu pénétrer, & sans chercher à rien interpréter selon mon désir, mais éclairant mes observations les unes par les autres pour découvrir la vérité, je n’ai pas un instant oublie dans mes recherches qu’il y alloit du destin de ma vie a ne pas me tromper dans ma conclusion.

Le François.

Je vois que vous avez regarde à beaucoup de choses ; apprendrai-je enfin ce que vous avez vu ?

Rousseau.

Ce que j’ai vu est meilleur à voir qu’à dire. Ce que j’ai vu me suffit, à moi qui l’ai vu, pour déterminer mon jugement, mais non pas vous pour déterminer le votre sur mon rapport ; car il a besoin d’être vu pour être cru, & après la façon dont vous m’aviez prévenu je ne l’aurois pas cru moi-même sur le rapport d’autrui. Ce que j’ai vu ne sont que des choses bien communes en apparence mais très-rares en effet. Ce sont des récits qui d’ailleurs conviendroient mal dans ma bouche,