Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/228

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ce qui les compose dans un commerce de confiance d’attachement de familiarité ; qu’il y trouve à son choix des ames surs, des maîtresses fidelles, de tendres & solides amies, qui valent peut-être encore mieux. Pensez-vous que la moitie chaque jour ainsi passée ne racheteroit pas bien les peines de l’autre moitie ? Le souvenir toujours présent d’une si douce vie & l’espoir assure de sort prochain retour n’adouciroit-pas bien encore l’amertume du reste du tems, & croyez-vous qu’à tout prendre l’homme le plus heureux de la terre compte dans le même espace plus de momens aussi doux ? Pour moi, je pense & vous penserez, je m’assure, que cet homme pourroit se flatter malgré ses peines de passer de cette maniere une vie aussi pleine de bonheur & de jouissance que tel autre mortel que ce soit. He bien, Monsieur, tel est l’état de J. J. au milieu de ses affections & de ses fictions. de ce J. J. si à cruellement si obstinément si indignement noirci flétri diffame, & qu’avec des soucis des soins des frais énormes ses adroits ses puissans persécuteurs travaillent depuis si long-tems sans relâche à rendre le plus malheureux des êtres. Au milieu de tous leurs succès il leur échappe, & se réfugiant dans les régions éthérées, il y vit heureux en dépit d’eux : jamais avec toutes leurs machines ils ne le poursuivront jusques-là.

Les hommes, livres à l’amour-propre & à sort triste cortege ne connoissent plus le charme & l’effet de l’imagination. Il pervertissent l’usage de cette faculté consolatrice, au lieu de s’en servir pour adoucir le sentiment de leurs maux ils ne s’en servent que pour l’irriter. Plus occupes des objets qui les blessent que de ceux qui les flattent, ils voient par -tous