Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/242

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Notre homme ne sera pas vertueux parce qu’il sera foible & que la vertu n’appartient qu’aux ames fortes. Mais cette vertu à laquelle il ne peut atteindre, qui est-ce qui l’admirera la chérira l’adorera plus que lui ? Qui est-ce qui avec une imagination plus vive s’en peindra mieux le divin simulacre ? Qui est-ce qui avec un cœur plus tendre s’enivrera plus d’amour pour elle ? Ordre harmonie beauté perfection sont les objets de ses plus douces méditations. Idolâtre du beau dans tous les genres, resteroit-il froid uniquement pour la suprême beauté ? Non, elle ornera de ses charmes immortels toutes ces images chéries qui remplissent son ame qui repaissent son cœur. Tous ses premiers mouvemens seront vifs & purs ; les seconds auront sur lui peu d’empire. Il vaudra toujours ce qui est bien, il le sera quelquefois, & si souvent il laisse éteindre sa volonté par sa foiblesse, ce sera pour retomber dans sa langueur. Il cessera de bien faire, il ne commencera pas même lorsque la grandeur de l’effort épouvantera sa paresse : mais jamais il ne sera volontairement ce qui est mal. En un mot, s’il agit rarement comme il doit, plus rarement encore il agira comme il ne doit pas, & toutes ses fautes, même les plus graves, ne seront que des péchés d’omission : mais c’est par-là précieusement qu’il sera le plus en scandale aux hommes, qui, ayant mis toute la morale en petites formules, comptent pour rien le mal dont on s’abstient, pour tout l’étiquette des petits précédés, & sont bien plus attentifs à remarquer les devoirs auxquels on manque qu’à tenir compte de ceux qu’on remplit.

Tel sera l’homme doue du tempérament dont j’ai parle,