Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec onze cents francs de rente quand même ils seroient assures, bien moins encore avec trois cents auxquels d’un jour à l’autre je puis être réduit. Mais écartons cette prévoyance. Pourquoi voulez-vous que sur mes vieux jours je fasse sans nécessite le dur apprentissage d’une vie plus que frugale à laquelle mon corps n’est point accoutume ; tandis qu’un travail qui n’est pour moi qu’un plaisir me procure la continuation de ces mêmes commodités dont l’habitude m’a fait un besoin, & qui de toute autre maniere seroient moins à ma portée ou me coûteroient beaucoup plus cher ? Vos Messieurs, qui n’ont pas pris pour eux cette austérité qu’ils me prescrivent, sont bien d’intriguer ou emprunter, plutôt que de s’assujettir à un travail manuel qui leur paroît si ignoble usurier insupportable, & ne procure pas tout-d’un-coup des raffles de cinquante mille francs. Mais moi qui ne pense pas comme eux sur la véritable dignité ; moi qui trouve une jouissance très-douce dans le passage alternatif du travail à la récréation ; par une occupation de mon goût que je mesure à ma volonté, j’ajoute ce qui manque à ma petite fortune pour me procurer une subsistance aisée, & je jouis des douceurs d’une vie égale & simple autant qu’il dépend de moi. Un désœuvrement absolu m’assujettiroit à l’ennui, me forceroit peut-être à chercher des amusemens n toujours coûteux souvent pénibles, rarement innocens, au lieu qu’après le travail le simple repos à son charme, & suffit avec la promenade pour l’amusement dont j’ai besoin. Enfin c’est peut-être un soin que je me dois dans une situation aussi triste d’y jetter du moins tous les agrémens