Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/263

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toutes les occupations. Que d’autres usent de leurs talens comme il leur plaît, je ne les en blâmé pas ; mais pour moi je n’ai jamais voulu prostituer les miens tels quels en les mettant à prix, sur que cette vénalité même les auroit anéantis. Je vends le travail de mes mains, mais les productions de mon ame ne sont point à vendre ; c’est leur désintéressement qui peut seul leur donner de la force & le l’élévation. Celles que je ferois pour de l’argent n’en vaudroient gueres & m’en rendroient encore moins.”

“Pourquoi vouloir que je fasse encore des livres quand j’ai dit tout ce que j’avois à dire, & qu’il ne me resteroit que la ressource trop chétive à mes yeux de retourner & répéter les mêmes idées ? À quoi bon redire une seconde fois & mal, ce que j’ai dit tune fois de mon mieux ? Ceux qui ont la démangeaison de parler toujours trouvent toujours quelque chose à dire ; cela est aise pour qui ne veut qu’agencer des mots ; mais je n’ai jamais été tente le prendre la plume que pour dire des choses grandes neuves & nécessaires, & non pas pour rabâcher. J’ai fait les livres, il est vrai, mais jamais je ne fus un lévrier. Pourquoi faire semblant de vouloir que je fasse encore des livres, quand en effet on craint tant que je n’en fasse & qu’on met tant de vigilance à m’en ôter tous les moyens. On me ferme l’abord de toutes des maisons hors celles des fauteurs de la ligue. On me cache avec le plus grand soin la demeure & l’adresse de tout le monde. Les suisses & portiers ont tous pour moi des ordres secrets autres ceux de leurs maîtres ; on ne me liste plus de communication