Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/284

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seul. Sa morale est moins une morale d’action que d’abstinence : sa paresse la lui a donnée, & sa raison l’y a souvent confirme : ne jamais faire de mal lui paroît une maxime plus utile plus sublime & beaucoup plus difficile celle- même de faire du bien : car souvent le bien qu’on fait sous un rapport devient un mal sous mille autres : mais dans l’ordre de la nature, il n’y a de vrai mal que le mal positif. Souvent il n’y a d’autre moyen de s’abstenir de nuire que de s’abstenir tout-à-fait d’agir, & selon lui, le meilleur régime, tant moral que physique, est un régime purement négatif. Mais ce n’est pas celui convient à une philosophie ostentatrice, qui ne veut que des œuvres d’éclat & n’apprend rien tant à ses sectateurs qu’à beaucoup se montrer. Cette maxime de ne point faire de mal tient de bien près à une autre qu’il doit encore à sa paresse, mais qui se change en vertu pour quiconque s’en fait un devoir. C’est de ne se mettre jamais dans une situation qui lui fasse trouver son avantage dans le préjudice d’autrui. Nul homme ne redoute une situation pareille. Ils sont tous forts vertueux pour craindre jamais que leur intérêt ne les tente contre leur devoir, & dans leur fière confiance ils provoquent sans crainte les tentations auxquelles ils se sentent si supérieurs. Félicitons-les de leurs forces, mais ne blâmons pas le foible J. J. de n’oser se fier à la sienne & d’aimer mieux fuir les tentations que d’avoir à les vaincre, trop peu sur du succès d’un pareil combat.

Cette seule indolence l’eut perdu dans la société quand il n’y eut pas apporte d’autres vices. Les petits devoirs a remplir la lui ont rendue insupportable, & ces petits devoirs négligés