Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/294

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des esprits vifs qui s’associent avec des cœurs glaces, & qui ne tirent que du cerveau l’agitation qui paroît aussi dans les yeux dans le geste & accompagne la parole, mais par des signes tout differens, pantomimes & comédiens plutôt qu’animés & passionnés. Ceux -ci, riches d’idées, les produisent avec une facilite extrême : ils ont la parole à commandement, leur esprit toujours présent & pénétrant leur fournit sans cette des pensées neuves des saillies des réponses heureuses ; quelque force & quelque finesse qu’on mette à ce qu’on peut leur dire, ils étonnent par la promptitude & le sel de leurs reparties, & ne restent jamais court. Dans les choses même de sentiment ils ont un petit babil si bien agence, qu’on les croiroit émus jusqu’au fond du cœur, si cette justesse même d’expression n’attestoit que c’est leur esprit seul qui travaille. Les antres, tout occupes de ce qu’ils sentent soignent trop peu leurs paroles pour les arranger avec tant d’art. La pesante succession du discours leur est ici insupportable ; ils se dépitent contre la lenteur de sa marche ; il leur semble dans la rapidité des mouvemens qu’ils éprouvent que ce qu’ils sentent devroit se faire jour & pénétrer d’un, cœur à l’autre sans le froid ministre de la parole. Les idées se présentent d’ordinaire aux gens d’esprit en phrases tout arrangées ; il n’en est pas ainsi des sentimens. Il faut chercher combiner choisir un langage propre a rendre ceux qu’on éprouve, & quel est l’homme sensible qui aura la patience de suspendre le cours des affections qui l’agitent pour s’occuper à chaque instant de ce triage. Une violente émotion peut suggérer quelquefois des expressions énergiques & vigoureuses ; mais ce sont d’heureux hasards que