Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/334

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accoutumés à porter dans la société ce même ton de maître sur lequel ils prononcent les oracles de leur seule, & à traiter avec un mépris apparent, qui n’est qu’une haine plus insolente, tout ce qui ose hésiter à se soumettre à leurs décisions. Ce goût de domination n’a pu manquer d’animer toutes les passions irascibles qui tiennent à l’amour-propre. Le même fiel qui coule avec l’encre dans les écrits des maîtres, abreuve les cœurs des disciples. Devenus esclaves pour être tyrans, ils ont fini par prescrire en leur propre nom les loix que ceux-la leur avoient dictées, & à voir dans toute résistance la plus coupable rébellion. Une génération de despotes ne être ni fort douce ni fort paisible, & une doctrine si hautaine, qui d’ailleurs n’admet ni vice ni vertu dans le cœur de homme, n’est pas propre à contenir par une morale indulgente pour les autres, & réprimante pour soi, l’orgueil de ses sectateurs. De-là les inclinations haineuses qui distinguent cette génération. Il n’y a plus ni modération dans les ames ni vérité dans les attachemens. Chacun hait tout ce qui n’est pas lui plutôt qu’il ne s’aime lui-même. On s’occupe trop d’autrui pour savoir s’occuper de soi ; on ne sait plus que haïr, & l’on ne tient point à son propre parti par attachement, encore moins par estime, mais uniquement par haine du parti contraire. Voilà les dispositions générales dans lesquelles vos Messieurs ont trouve ou mis leurs contemporains, & qu’ils n’ont eu qu’à tourner ensuite contre J. J. *

[*Dans cette génération nourrie de philosophie & de fiel, rien n’est si facile aux intrigans que de faire tomber sur qui il leur plaît cet appétit général de haïr. Leurs succès prodigieux en ce point, prouvent encore moins leurs talens que la disposition du public, dont les apparens témoignages d’estime & d’attachement pour les uns, ne sont en effet que des actes de haine pour d’autres.] qui, tout aussi peu propre