Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

profondes & continuelles blessures par tous les endroits sensibles de son cœur. Ils savoient combien il étoit ardent & sincere dans tous ses attachemens, ils se sont appliques sans relâche à ne lui pas laisser un seul ami. Ils savoient que sensible à l’honneur & à l’estime des honnêtes-gens, il faisoit un cas très-médiocre de la réputation qu’on n’acquiert que par des talens, ils ont affecte de prôner les siens en couvrant d’opprobre son caractere. Ils ont vante son esprit pour déshonorer sort cœur. Ils le connoissoient ouvert & franc jusqu’a l’imprudence, détestant le mystère & la fausseté ; ils l’ont entoure de trahisons de mensonges de ténèbres, de duplicité. Ils savoient combien il chérissoit sa patrie ; ils n’ont rien épargné pour la rendre méprisable & pour l’y faire haïr. Ils connoissoient son dédain pour le métier d’Auteur, combien il déploroit le court tems de sa vie qu’il perdit à ce triste métier parmi les brigands qui l’exercent, ils lui sont incessamment barbouiller des livres, & ils ont grand soin que ces livres, très-dignes des plumes dont ils sortent déshonorent le nom qu’ils leur font porter. Ils l’ont fait abhorrer du peuple dont il déplore la misère, des bons dont il honora les vertus, des femmes dont il fut idolâtre, de tous ceux dont la haine pouvoit le plus l’affliger. À force d’outrages sanglans mais tacites, à force d’attroupemens, de chuchotemens, de ricanemens, de regards cruels & farouches, ou insultans & moqueurs, ils sont parvenus à le chasser de toute assemblée de tout spectacle, des cafés des promenades publiques, leur projet est de le chasser enfin des rues, de le renfermer chez lui, de l’y tenir investi par leurs satellites, & de lui rendre enfin