Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/418

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adroit, & que la société, foulant aux pieds les plus saintes loix de la justice, ne fut plus qu’un ténébreux brigandage de trahisons secrètes & d’impostures adoptées sans confrontation, sans contradiction, sans versification, & sans aucune défense laissée aux accuses. Bientôt les hommes à la merci les uns des autres n’auroient de force & d’action que pour s’entre-déchirer entr’eux, sans en avoir aucune pour la résistance ; les bons, livres tout-a-fait aux mechans, deviendroient d’abord leur proie, enfin leurs disciples ; l’innocence n’auroit plus d’asyle, & la terre devenue un enfer, ne feroit couverte que de Démons occupes à se tourmenter les uns & les autres. Non, le Ciel ne laissera point un exemple aussi funeste ouvrir au crime une route nouvelle inconnue jusqu’à ce jour ; il découvrira la noirceur d’une trame aussi cruelle. Un jour viendra, j’en ai la juste confiance, que les honnêtes gens béniront ma mémoire & pleureront sur mon sort. Je suis sur de la chose, quoique j’en ignore le tems. Voilà le fondement de ma patience & de mes consolations. L’ordre sera rétabli tôt ou tard, même sur la terre, je n’en doute pas. Mes oppresseurs peuvent reculer le moment de ma justification, mais ils ne sauroient empêcher qu’il ne vienne. Cela me suffit pour être tranquille au milieu de leurs œuvres : qu’ils continuent à disposer de moi durant ma vie, mais qu’ils se pressent ; je vais bientôt leur échapper."

Tels sont sur ce point les sentimens de J. J. & tels sont aussi les miens. Par un décret dont il ne m’appartient pas de fonder la profondeur, il doit passer le reste de ses jours