Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/423

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vous croyez que le mystère de ce complot sera dévoile me paroissent, à moi qui l’ai vu de plus près, beaucoup moins plausibles qu’à vous. La ligue est trop forte trop nombreuse trop bien liée pour pouvoir se dissoudre aisément, & tant qu’elle durera comme elle est, il est trop périlleux de s’en détacher pour que personne s’y hasarde sans autre intérêt que celui de la justice. De tant de fils divers qui composent cette trame, chacun de ceux qui la conduisent ne voit que celui qu’il doit gouverner & tout au plus ceux qui l’avoisinent. Le concours général du tout n’est apperçu que des directeurs, qui travaillent sans relâche à démêler ce qui s’embrouille, à ôter les tiraillemens les contradictions & à faire jouer le tout d’une maniere uniforme. La multitude des choses incompatibles entr’elles qu’on fait dire & faire à J. J. n’est, pour ainsi dire, que le magasin des matériaux dans lequel, les entrepreneurs faisant un triage, choisiront à loisir les choses assortissantes qui peuvent s’accorder, & rejettant celles qui tranchent répugnent & se contredisent, parviendront bientôt à les faire oublier après qu’elles auront produit leur effet. Inventez toujours, disent -ils aux ligueurs subalternes, nous nous chargeons de choisir & d’arranger après. Leur projet est, comme je vous l’ai dit, de faire une refonte générale de toutes les anecdotes recueillies ou fabriquées par leurs satellites, & de les arranger en un corps d’histoire disposée avec tant d’art, & travaillée avec tant de soin, que tout ce qui est absurde & contradictoire, loin de paroître un tissu de fables grossieres, paroîtra l’effet de l’inconséquence de l’homme, qui, avec des passions diverses & monstrueuses, vouloit le blanc & le noir,