Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/457

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l’avoir ni ou j’étois ni ou j’allois, jusqu’à ce que n’en pouvant plus, la lassitude & la nuit me forcèrent de rentrer chez moi rendu de fatigue & presque hébété de douleur.

Revenu peu-a-peu de ce premier saisissement je commencerai à réfléchir plus posément à ce qui m’étoit arrive, & par ce tour d’esprit qui m’est propre, aussi prompt à me consoler d’un malheur arrive qu’ai m’effrayer d’un malheur a craindre, je ne tardai pas d’envisager d’un autre œil le mauvais succès de ma tentative. J’avois dit dans ma suscription que je n’attendois pas un miracle, & il étoit clair néanmoins qu’il en auroit falu un pour faire réussir mon projet : car l’idée que mon manuscrit parviendroit directement au Roi, & que ce jeune Prince prendroit lui-même la peine de lire ce long écrit, cette idée, dis-je, étoit si folle que je m’étonnois moi-même d’avoir pu m’en bercer un moment. Avois-je pu douter que quand même l’éclat de cette démarche auroit fait arriver mon dépôt jusqu’à la Cour, ce n’eut été que pour y tomber, non dans les mains du Roi, mais dans celles de mes plus malins pers2cuteurs ou de leurs amis, & par conséquent pour être ou tout-a-fait supprime ou défigure selon leurs vues pour le rendre funeste à ma mémoire ? Enfin le mauvais succès de mon projet dont je m’étois si fort affecte, me parut, à force d’y réfléchir