Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/121

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les fanatiques. Où est l’homme paisible & doux qui trouve bon qu’on ne pense pas comme lui. Cet homme ne se trouvera surement jamais parmi les dévots & il est encore à trouver chez les philosophes.

Je voudrois donc qu’on eût dans chaque État un code moral, ou une espece de profession de foi civile qui contînt positivement les maximes sociales que chacun seroit tenu d’admettre, & négativement les maximes intolérantes qu’on seroit tenu de rejetter, non comme impies, mais comme séditieuses. Ainsi toute religion qui pourroit s’accorder avec le code seroit admise, toute religion qui ne s’y accorderoit pas feroit proscrite, & chacun seroit libre de n’en avoir point d’autre que le code même. Cet ouvrage fait avec soin, seroit, ce me semble, le livre le plus utile qui jamais ait été composé, & peut-être le seul nécessaire aux hommes. Voilà, Monsieur, un sujet pour vous ; je souhaiterois passionnément que vous voulussiez entreprendre cet ouvrage, & l’embellir de votre poésie, afin que chacun pouvant l’apprendre aisément, il portât dès l’enfance dans tous les cœurs ces sentimens de douceur & d’humanité qui brillent dans vos écrits & qui manquent à tout le monde dans la pratique. Je vous exhorte à méditer ce projet qui doit plaire à l’Auteur d’Alzire. Vous nous avez donné dans votre Poëme sur la Religion, naturelle le catéchisme de l’homme, donnez-nous maintenant dans celui que je vous propose le catéchisme du citoyen. C’est une matiere à méditer long-tems, & peut-être à réserver pour le dernier de vos ouvrages, afin d’achever par un bienfait au genre-humain la plus brillant carriere que jamais homme de lettres ait parcourue.