Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/133

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ici un auteur qui ne vous sera pas suspect, celui des pensées philosophiques. Qu’un homme vienne vous dire que projettant hasard une multitude de caracteres d’imprimerie, il a vu l’Enéïde toute arrangée résulter de ce jet : convenez qu’au lieu d’aller vérifier cette merveille, vous lui répondrez froidement ; Monsieur, cela n’est pas impossible ; mais vous mentez. En vertu de quoi, je vous prie, lui répondrez-vous ainsi ?

Eh ! qui ne sait que sans le sentiment interne, il ne resteroit bientôt plus de traces de vérité sur la terre, que nous serions tous successivement le jouet des opinions les plus monstrueuses, à mesure que ceux qui les soutiendroient auroient plus de génie, d’adresse & d’esprit, & qu’enfin réduits à rougir de notre raison même, nous ne saurions bientôt plus que croire ni que penser.

Mais les objections...sans doute il y en a d’insolubles pour nous & beaucoup, je le sais. Mais encore un coup donnez moi un systême ou il n’y en ait pas, ou dites moi, comment je dois me déterminer. Bien plus ; par la nature de mon systême, pourvu que mes preuves directes soient bien établies, les difficultés ne doivent pas m’arrêter ; vu l’impossibilité où je suis, moi être mixte, de raisonner exactement sur les esprits purs & d’en observer suffisamment la nature. Mais vous matérialiste, qui me parlez d’une substance unique, palpable & soumise par sa nature à l’inspection des sens, vous êtes obligé non-seulement de ne me rien dire que de clair, de bien prouvé, mais de résoudre toutes mes difficultés d’une façon pleinement satisfaisante, parce que nous possédons vous