Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/154

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Pour conserver votre République chrétienne, vous rendez ses voisins aussi justes qu’elle ; à la bonne heure. Je conviens qu’elle se défendra toujours assez bien pourvu qu’elle ne soit point attaquée. À l’égard du courage que vous donne à ses soldats, par le simple amour de la conservation, c’est celui qui ne manque à personne. Je lui ai donné un motif encore plus puissant sur des chrétiens ; savoir, l’amour du devoir. Là-dessus, je crois pouvoir pour toute réponse vous renvoyer à mon livre, où ce point est bien discuté. Comment ne voyez-vous pas qu’il n’y a que de grandes passions qui fassent de grandes choses ? Qui n’a d’autre passion que celle de son salut ne sera jamais rien de grand dans le temporel. Si Mutius Scevola n’eût été qu’un saint, croyez-vous qu’il eût fait lever le siége de Rome ? Vous me citerez peut-être la magnanime Judith. Mais nos chrétiennes hypothétiques, moins barbarement coquettes, n’iront pas, je crois, séduire leurs ennemis & puis, coucher avec eux pour les massacrer durant leur sommeil.

Mon cher ami, je n’aspire pas à vous convaincre. Je fais qu’il n’y a pas deux têtes organisées de même, & qu bien des disputes, bien des objections, bien des éclaircissemens, chacun finit toujours par rester dans son sentiment comme auparavant. D’ailleurs quelque philosophe que vous puissiez être, je sens qu’il faut toujours un peu tenir à l’état. Encore une fois, je vous réponds, parce que vous le voulez ; mais je ne vous en estimerai pas moins, pour ne pas penser comme moi. J’ai dit mon avis au public, & j’ai cru le devoir dire, en choses importantes & qui intéressent l’humanité. Au