Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/157

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Il vaut mieux qu’elle soit veuve que fille. Mais si elle a des enfans, qu’aucun d’eux ne soit autour d’elle, & que tous dépendent de vous.

Point de femmes à grands sentimens, encore moins de bel esprit. Qu’elle ait assez d’esprit pour vous bien entendre, non pour rafiner sur vos instructions.

Il importe qu’elle ne soit pas trop facile à vivre, & il n’importe pas qu’elle soit libérale. Au contraire il la faut rangée, attentive à ses intérêts. Il est impossible de soumettre un prodigue à la regle ; on tient les avares par leur propre défaut.

Point d’étourdie ni d’évaporée ; outre le mal de la chose il y a encore celui de l’humeur, car toutes les folles en ont, & rien n’est plus à craindre que l’humeur ; par la même raison les gens vifs, quoique plus aimables, me sont suspects, à cause de l’emportement. Comme nous ne trouverons pas une femme parfait, il ne faut pas tout exiger : ici la douceur est de précepte, mais pourvu que la raison la donne, elle peut n’être pas dans le tempérament. Je l’aime aussi mieux égale & froide qu’accueillante & capricieuse. En toutes choses préférez un caractere sur à un caractere brillant. Cette derniere qualité est même un inconvénient pour notre objet ; une personne faite pour être au-dessus des autres peut être gâtée par le mérite de ceux qui l’élevent. Elle en exige ensuite autant de tout le monde, & cela la rend injuste avec ses inférieurs.

Du reste ne cherchez dans son esprit aucune culture ; il se farde en étudiant, & c’est tout. Elle se déguisera si elle fait ; vous la connoîtrez bien mieux si elle est ignorante : dût-elle