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LETTRE À M. VERNES.

Paris le 28 Mars 1756.

Recevez, mon cher Concitoyen, une lettre très-courte ; mais écrite avec la tendre amitié que j’ai pour vous ; c’est à regret que je vois prolonger le tems qui doit nous rapprocher, mais je désespere de pouvoir m’arracher d’ici cette année ; quoi qu’il en soit, ou je ne serai plus en vie, ou vous m’embrasserez au printems 57 ; voilà une résolution inébranlable.

Vous êtes content de l’article Economie ; je le crois bien ; mon cœur me l’a dicté, & le vôtre l’a lu. M. Labat m’a dit que vous aviez dessein de l’employer dans votre Choix Littéraire ; n’oubliez pas de consulter l’errata. J’avois fait quelque chose que je vous destinois, mais ce qui vous surprendra fort, c’est que cela s’est trouvé si gai & si fol, qu’il n’y a nul moyen de l’employer, & qu’il faut le réserver pour le lire le long de l’Arve avec son ami. Ma copie m’occupe tellement à Paris, qu’il m’est impossible de méditer ; il faut voir si le séjour de la campagne ne m’inspirera rien pendant les beaux jours.

Il est difficile de se brouiller avec quelqu’un que l’on ne connoît pas, ainsi il n’y a nulle brouillerie entre Monsieur Palissot & moi. On prétendoit cet hiver qu’il m’avoir joué à Nanci devant le Roi de Pologne, & je n’en fis que rire ; on ajoutoit qu’il avoit aussi joué feue Madame la marquise du Châtelet, femme