Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/221

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que Dieu nous impose, n’a rien que de doux au cœur de l’homme de bien qui s’y livre en vue de remplir son devoir, & la vigueur de la jeunesse ne vous a pas été donnée pour la perdre à d’oisives contemplations. Travaillez donc, Monsieur, dans l’état où vous ont placé vos parens & la providence : voilà le premier précepte de la vertu que vous voulez suivre ; & si le séjour de Paris joint à l’emploi que vous remplissez, vous paroît d’un trop difficile alliage avec elle, faites mieux, Monsieur, retournez dans votre province, allez vivre dans le sein de votre famille, servez, soignez vos vertueux parens ; c’est-là que vous remplirez véritablement les soins que la vertu vous impose. Une vie dure est plus facile à supporter en province, que la fortune à poursuivre à Paris, sur-tout, quand on sait, comme vous ne l’ignorez pas, que les plus indignes mangés y sont plus de fripons gueux que de parvenus. Vous ne devez point vous estimer malheureux de vivre comme fait M. votre pere, & il n’y a point de sort que le travail, la vigilance, l’innocence, & le contentement de soi ne rendent supportable, quand on s’y soumet en vue de remplir son devoir. Voilà, Monsieur, des conseils qui valent tous ceux que vous pourriez venir prendre à Montmorenci : peut-être ne seront-ils pas de votre goût, & je crains que vous ne preniez pas le parti de les suivre, mais je suis sûr que vous vous en repentirez un jour. Je vous souhaite un sort qui ne vous force jamais à vous en souvenir. Je vous prie, Monsieur, d’agréer mes salutations très-humbles.