Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/25

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se brouiller sur les contingens ou sur les partages, & sans donner bientôt, par leur mésintelligence, de nouvelles ressources aux foibles. Ainsi, quelque supposition qu’on fasse, il n’est pas vraisemblable que ni Prince, ni Ligue, puisse désormais changer considérablement & à demeure, l’état des choses parmi nous.

Ce n’est pas à dire que les Alpes, le Rhin, la Mer, les Pyrénées soient des obstacles insurmontables à l’ambition ; mais ces obstacles sont soutenus par d’autres qui les fortifient, ou ramènent les Etats aux mêmes limites, quand des efforts passagers les en ont écartés. Ce qui fait le vrai soutien du systême de l’Europe, c’est bien en partie le jeu des négociations, qui presque toujours se balancent mutuellement ; mais ce systême a un autre appui plus solide encore ; & cet appui c’est le Corps Germanique, placé presque au centre de l’Europe, lequel en tient toutes les autres parties en respect, & sert peut-être encore plus au maintien de ses voisins, qu’à celui de ses propres membres : Corps redoutable aux étrangers, par son étendue, par le nombre & la valeur de ses Peuples ; mais utile à tous par sa constitution, qui, lui ôtant les moyens & la volonté de rien conquérir, en fait l’écueil des conquérans. Malgré les défauts de cette constitution de l’Empire, il est certain que tant qu’elle subsistera, jamais l’équilibre de l’Europe ne sera rompu, qu’aucun Potentat n’aura à craindre d’être détrôné par un autre, & que le traité de Westphalie sera peut-être à jamais parmi nous la base du systême politique. Ainsi le droit publie, que les Allemands étudient avec tant de soin, est encore plus important qu’ils ne