Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/27

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Si j’ai insisté sur l’égale distribution de force, qui résulte en Europe de la constitutions actuelle, c’étoit pour en déduire une conséquence importante à l’établissement d’une association générale ; car pour former une confédération solide & durable, il faut en mettre tous les membres dans une dépendance tellement mutuelle,

qu’aucun ne soit seul en état de résister à tous les autres, & que les associations particulieres qui pourroient nuire à la grande, y rencontrent des obstacles suffisans pour empêcher leur exécution : sans quoi, la confédération seroit vaine ; & chacun seroit réellement indépendant, sous une apparente sujétion. Or, si ces obstacles sont tels que j’ai dit ci-devant, maintenant que toutes les Puissances sont dans une entière liberté de former entr’elles des ligues & des traités offensifs, qu’on juge de ce qu’ils seroient quand il y auroit une grande ligue armée, toujours prête à prévenir ceux qui voudroient entreprendre de la détruire ou de lui résister. Ceci suffit pour montrer qu’une telle association ne consisteroit pas en délibérations vaines, auxquelles chacun pût résister impunément ; mais qu’il en naîtroit une puissance effective, capable de forcer les ambitieux à se tenir dans les bornes du traité général.

Il résulte de cet exposé, trois vérités incontestables. L’une, qu’excepté le Turc il règne entre tous les Peuples de l’Europe, une liaison sociale imparfaite, mais plus étroite que les