Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/275

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jugez-moi sur tout ce fatras si j’en vaux la peine, car je n’y saurois mettre plus d’ordre, & je n’ai pas le courage de recommencer ; si ce tableau trop véridique m’ôte votre bien-veillance, j’aurai cessé d’usurper ce qui me m’appartenoit pas ; mais si je la conserve, elle m’en deviendra plus chere, comme étant plus à moi.




LETTRE

À Messieurs de la Société Économique de Berne.


Montmorenci le 29 Avril 1762.


Vous êtes moins inconnus, Messieurs, que vous ne pensez, & il faut que votre Société ne manque pas de célébrité dans le monde, puisque le bruit en est parvenu dans cet asyle à un homme qui n’a plus aucun commerce avec les gens de Lettres. Vous vous montrez par un côté si intéressant que votre projet ne peut manquer d’exciter le public, & sur-tout les honnêtes gens à vouloir vous connoître, & pourquoi voulez-vous dérober aux hommes le spectacle si touchant & si rare dans notre siecle, de vrais citoyens aimant leurs freres & leurs semblables, & s’occupant sincérement du bonheur de la patrie & du genre-humain ?

Quelque beau, cependant, que soit votre plan, & quelques talens que vous ayez pour l’exécuter, ne vous flattez pas d’un succès qui réponde entiérement à vos vues. Les préjugés qui ne tiennent qu’à l’erreur se peuvent détruire, mais ceux qui