Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/293

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occasion, pour ne donner ni surprise au Pasteur que j’honore, ni scandale au troupeau que je voudrois édifier.

Agréez, Monsieur, je vous supplie, les assurances de tout mon respect.

DEUX LETTRES À M. LE MARÉCHAL DE LUXEMBOURG.

Contenant une description du Val-de-Travers.

LETTRE PREMIERE.

Motiers le 20 janvier 1763.

Vous voulez, Monsieur le Maréchal, que je vous décrive le pays que j’habite ? Mais comment faire ? Je ne sais voir qu’autant que je suis ému ; les objets indifférens sont nuls à mes yeux ; je n’ai de l’attention qu’à proportion de l’intérêt qui l’excite, & quel intérêt puis-je prendre à ce que je retrouve si loin de vous ? Des arbres, des rochers, des maisons, des hommes mêmes, sont autant d’objets isolés dont chacun en particulier donne peu d’émotion à celui qui le regarde : mais l’impression commune de tout cela, qui le réunit en un seul tableau, dépend de l’état où nous sommes en le contemplant. Ce tableau, quoique toujours le même, se peint d’autant de manieres qu’il y a de dispositions différentes dans les cœurs