Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/308

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suis venu demander un asyle qu’ils ne m’auroient surement pas accordé, c’est à Mylord Maréchal, & je ne suis ici que chez le Roi de Prusse. Au contraire, à mon arrivée sur les terres de la Principauté, le Magistrat de la ville de Neufchâtel s’est pour tout accueil dépêché de défendre mon livre sans le connoître, la classe des Ministres l’a déféré de même au Conseil d’Etat ; on n’a jamais vu de gens plus pressés d’imiter les sottises de leurs voisins. Sans la protection déclarée de Mylord Maréchal, on ne m’eût surement point laissé en paix dans ce village. Tant de bandits se réfugient dans le pays que ceux qui le gouvernent ne savent pas distinguer des malfaiteurs poursuivis les innocens opprimés, ou se mettent peu en peine d’en faire la différence. La maison que j’habite appartient à une niece de mon vieux ami M. Roguin. Ainsi loin d’avoir nulle obligation à Messieurs de Neufchâtel, je n’ai qu’à m’en plaindre. D’ailleurs, je n’ai pas mis le pied dans leur ville, ils me sont étrangers à tous égards, je ne leur dois que, justice en parlant d’eux & je la leur rends.

Je la rends de meilleur cœur encore à ceux d’entr’eux qui m’ont comblé de caresses, d’offres, de politesses de toute espece. Flatté de leur estime & touché de leurs bontés, je me serai toujours un devoir & un plaisir de leur marquer mon attachement & ma reconnoissance ; mais l’accueil qu’ils m’ont fait n’a rien de commun avec le gouvernement Neufchâtelois qui m’en eût fait un bien différent s’il en eût été le maître. Je dois dire encore que si la mauvaise volonté du corps des Ministres n’est pas douteuse, j’ai beaucoup à me louer en particulier de celui dont j’habite la paroisse. Il me vint voir à