Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

choses dont vous ne doutiez pas. Ces doutes mêmes, à, mesure qu’ils croissent, vous rendent tranquille : vous vous y reposez comme sur un oreiller de paresse ! Tout cela m’effrayeroit beaucoup pour vous, si vos grands scrupules ne me rassuroient. Ces scrupules sont assurément respectables comme fondés sur la vertu ; mais l’obligation d’avoir de la vertu, sur quoi la fondez-vous ? Il seroit bon de savoir si vous êtes bien décidé sur ce point. Si vous l’êtes, je me rassure ; je ne vous trouve plus si sceptique que vous affectez de l’être & quand on est bien décidé sur les principes de ses devoirs, le reste n’est pas une si grande affaire. Mais si vous ne l’êtes pas, vos inquiétudes me semblent peu raisonnées. Quand on est si tranquille dans le doute de ses devoirs, pourquoi tant s’affecter du parti qu’ils nous imposent.

Votre délicatesse sur l’état ecclésiastique est sublime ou puérile, selon le degré de vertu que vous avez atteint. Cette délicatesse est sans doute un devoir pour quiconque remplit tous les autres ; &, qui n’est faux ni menteur en rien dans ce monde, ne doit pas l’être même en cela. Mais je ne connois que Socrate & vous à qui la raison pût passer un tel scrupule : car à nous autres hommes vulgaires, il seroit impertinent & vain d’en oser avoir un pareil. Il n’y a pas un de nous qui ne s’écarte de la vérité cent fois le jour dans le commerce des hommes en choses claires, importantes & souvent préjudiciables, & dans un point de pure spéculation dans lequel nul ne voit ce qui est vrai ou faux, & qui n’importe ni à Dieu ni aux hommes, nous nous serions un crime de condescendre aux préjugés de nos freres, & de dire oui où nul n’est en droit de