Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/376

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Mais ne me faites pas honneur de votre conversion, je vous prie. Je sens que cet honneur ne m’appartient point. Un homme qui ne croit gueres aux miracles, n’est pas fort propre à en faire : un homme qui ne dogmatise ni ne dispute n’est pas un fort bon convertisseur. Je dis quelquefois mon avis quand on me le demande, & que je crois que c’est à bonne intention : mais je n’ai point la folie d’en vouloir faire une loi pour d’autres, & quand ils m’en veulent faire une du leur, je m’en défends’du mieux que je puis sans chercher à les convaincre. Je n’ai rien fait de plus avec vous. Ainsi, Monsieur, vous avez seul tout le mérite de votre résipiscence, & je ne songeois surement point à vous catéchiser.

Mais voici maintenant les scrupules qui s’élevent. Les vôtres m’inspirent du respect pour vos sentimens sublimes, & je vous avoue ingénument que quant à moi qui marche un peu plus terre à terre, j’en serois beaucoup moins tourmenté. Je me dirois d’abord que de confesser mes fautes est une chose utile pour m’en corriger, parce que me faisant une loi de dire tout, & de dire vrai, je serois souvent retenu d’en commettre par la honte de les révéler.

Il est vrai qu’il pourroit y avoir quelque embarras sur la foi robuste qu’on exige dans votre Eglise, & que chacun n’est pas maître d’avoir comme il lui plaît. Mais de quoi s’agit-il au fond dans cette affaire ? Du sincere desir de croire, d’une soumission du cœur plus que de la raison : car enfin la raison ne dépend pas de nous, mais la volonté en dépend ; & c’est par la seule volonté qu’on peut être soumis ou rebelle à l’Eglise. Je commencerois donc par me choisir pour confesseur un bon