Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/38

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méprisons pas comme eux ses raisons ; &, quoi qu’il en soit des vertus des Princes, parlons de leurs intérêts.

Toutes les Puissances de l’Europe ont des droits ou des prétentions les unes contre les autres ; ces droits ne sont pas de nature à pouvoir jamais être parfaitement éclaircis ; parce qu’il n’y a point pour en juger, de règle commune & constante, & qu’ils sont souvent fondés sur des faits équivoques ou incertains. Les différends qu’ils causent, ne sauroient non plus être jamais terminés sans retour, tant faute d’arbitre compétent, que parce que chaque Prince revient dans l’occasion sans scrupule, sur les cessions qui lui ont été arrachées par force dans des traités par les plus puissans, ou après des guerres malheureuses. C’est donc une erreur de ne songer qu’à ses prétentions sur les autres, & d’oublier celles des autres sur nous, lorsqu’il n’y a d’aucun côté ni plus de justice ; ni plus d’avantage dans les moyens de faire valoir ces prétentions réciproques. Si-tôt que tout dépend de la fortune, la possession actuelle est d’un prix que la sagesse ne permet pas de risquer contre le profit à venir, même à chance égale ; & tout le monde blâme un homme à son aise, qui, dans l’espoir de doubler son bien, l’ose risquer en un coup de dez. Mais nous avons fait voir que, dans les projets d’agrandissement, chacun, même dans le systême actuel, doit trouver une résistance supérieure à son effort ; d’où il suit que les plus puissans n’ayant aucune raison de jouer, ni les plus foibles aucun espoir de profit, c’est un bien pour tous de renoncer à ce qu’ils désirent, pour s’assurer ce qu’ils possedent.

Considérons la consommation d’hommes, d’argent, de