Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les coutumes, le Gouvernement, la constitution, la maniere d’être qui résulte de tout cela.

La patrie est dans les relations de l’Etat à ses membres : quand ces relations changent ou s’anéantissent, la patrie s’évanouit. Ainsi, Monsieur, pleurons la nôtre ; elle a péri ; & son simulacre qui reste encore, ne sert plus qu’à la déshonorer.

Je me mets, Monsieur, à votre place, & je comprends combien, le spectacle que vous avez sous les yeux, doit vous déchirer le cœur. Sans contredit on souffre moins, loin de son pays, que de le voir dans un état si déplorable ; mais les affections quand la patrie n’est plus, se resserrent autour de la famille, & un bon pere se console avec ses enfans, de ne plus vivre avec ses freres. Cela me fait comprendre que des intérêts si chers, malgré les objets qui vous affligent, ne vous permettront pas de vous dépayser. Cependant s’il arrivoit que par voyage ou déplacement, vous vous éloignassiez de Geneve, il me seroit très-doux de vous embrasser : car bien que nous n’ayons plus de commune patrie, j’augure des sentimens qui nous animent, que nous ne cesserons point d’être concitoyens ; & les liens de l’estime & de l’amitié demeurent toujours quand même on a rompu tous les autres. Je vous salue, Monsieur, de tout mon cœur.