Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/400

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sur ce que vous me disiez de votre caractere, que sur ce qui m’étoit connu du sien. Je crus trouver dans sa manie de s’afficher, car c’est une savante & un bel esprit en titre, la raison du mal-aise intérieur dont vous me faisiez le détail ; je commençai par attaquer cette manie, comme si c’eût été la vôtre, & je ne doutai point, qu’en vous ramenant à vous -même, je ne vous rapprochasse du repos, dont rien n’est plus éloigné, selon moi, que l’état d’une femme qui s’affiche.

Une lettre faite sur un pareil quiproquo, doit contenir bien des balourdises. Cependant il y avoit cela de bon dans mon erreur ; qu’elle me donnoit la clef de l’état moral de celle à qui je pensois écrire ; & sur cet état supposé, je croyois entrevoir un projet à suivre, pour vous tirer des angoisses que vous me décriviez, sans recourir aux distractions qui, selon vous en sont le seul remede, & qui selon moi, ne sont pas même un palliatif. Vous m’apprenez que je me suis trompé, & que je n’ai rien vu de ce que je croyois voir. Comment trouverois-je un remede à votre état, puisque cet état m’est inconcevable ? Vous m’êtes une énigme affligeante & humiliante. Je croyois connoître le cœur humain, & je ne connois rien au vôtre. Vous souffrez & je ne puis vous soulager.

Quoi ! parce que rien d’étranger à vous, ne vous contente, vous voulez vous fuir, & parce que vous, avez à vous plaindre des autres, parce que vous les méprisez, qu’ils vous en ont donné le droit, que vous sentez en vous une ame digne d’estime, vous ne voulez pas vous consoler avec elle, du mépris que vous inspirent celles qui ne lui ressemblent pas ? Non, je n’entends rien à cette bizarrerie, elle me passe.