Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/416

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avec effusion de cœur, & comme un pere parleroit à son enfant. Votre brouillerie avec Madame votre mere me navre. J’avois dans mes malheurs la consolation de croire que mes écrits ne pouvoient faire que du bien ; voulez-vous m’ôter encore cette consolation ? Je sais que s’ils sont du mal, ce n-est que faute d’être entendus ; mais j’aurai toujours le regret de n’avoir pu me faire entendre. Cher ****, un fils brouillé avec sa mere a toujours tort : de tous les sentimens naturels le seul demeuré parmi nous, est l’affection maternelle. Le droit des meres est le plus sacré que je connoisse ; en aucun cas, on ne peut le violer sans crime ; raccommodez-vous donc avec la vôtre. Allez-vous jetter à ses pieds ; à quelque prix que ce soit appaisez-la ; soyez sûr que sou cœur vous sera rouvert si le vôtre vous ramene à elle. Ne pouvez-vous sans fausseté lui faire le sacrifice de quelques opinions inutiles, ou du moins les dissimuler ? Vous ne serez jamais appellé à persécuter personne ; que vous importe le reste ? Il n’y a pas deux morales. Celle du christianisme & celle de la philosophie sont la même ; l’une & l’autre vous impose ici le même devoir ; vous pouvez le remplir ; vous le devez ; la raison, l’honneur, votre intérêt, tout le veut ; moi je l’exige, pour répondre aux sentimens dont vous m’honorez. Si vous le faites, comptez sur mon amitié, sur toute mon estime, sur mes soins, si jamais ils vous sont bons à quelque chose. Si vous ne le faites pas, vous n’avez qu’une mauvaise tête, ou qui pis est, votre cœur vous conduit mal, & je ne veux conserver de liaisons qu’avec des gens dont la tête & le cœur soient sains.