Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/438

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Par exemple, en louant dans les jeunes gens la foi qu’ils ont, & qu’on doit à la vertu, croyez-vous, que leur faire entend que cette foi n’est qu’une erreur de leur âge, soit un bon moyen de la leur conserver ? Il ne faut pas, Monsieur, pour paroître au-dessus des préjugés, saper les fondemens de la morale. Quoi-qu’il n’y ait aucune parfaite vertu sur la terre, il n’y a peut-être aucun homme qui ne surmonte ses penchans en quelque chose, & qui par conséquent n’ait quelque vertu ; les uns en ont plus, les autres moins. Mais si la mesure est indéterminée, est-ce à dire que la chose n’existe point ? C’est ce qu’assurément vous ne croyez point, & que pourtant vous faites entendre. Je vous condamne, pour réparer cette faute, à faire une piece, où vous prouverez que malgré les vices des hommes, il y a parmi eux des vertus, & même de la vertu, & qu’il y en aura toujours. Voilà, Monsieur, de quoi s’élever à la plus haute philosophie : il y en a davantage à combattre les préjugés philosophiques qui sont nuisibles, qu’à combattre les préjugés populaires qui son utiles. Entreprenez hardiment cet ouvrage, & si vous le traitez, comme vous le pouvez faire, un prix ne sauroit vous manquer.

En vous parlant des gens qui m’accablent dans mes malheurs, & qui me portent leurs coups en secret, j’étois bien éloigné, Monsieur, de songer à rien qui eût le moindre rapport au Parlement de Paris. J’ai pour cet illustre Corps, les mêmes sentimens qu’avant ma disgrace, & je rends toujours la même justice à ses membres, quoiqu’ils me l’aient si mal rendue. Je veux même penser qu’ils ont cru faire envers moi, leur devoir d’hommes publics ; mais c’en étoit un pour eux de