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LETTRE À MYLORD MARÉCHAL.

8 Décembre 1764.

Sur la derniere lettre, Mylord, que vous avez dû recevoir de moi, vous aurez pu juger du plaisir que m’a causé celle dont vous m’avez honoré le 24 Octobre. Vous m’avez fait sentir un peu cruellement, à quel point je vous suis attaché, & trois mois de silence de votre part, m’ont plus affecté & navré que ne fit le décret du Conseil de Geneve. Tant de malheurs ont rendu mon cœur inquiet, & je crains toujours de perdre ce que je desire si ardemment de conserver. Vous êtes mon seul protecteur, le seul homme à qui j’aye de véritables obligations, le seul ami sur lequel je compte, le dernier auquel je me sois attaché, & auquel il n’en succédera jamais d’autres. Jugez sur cela, si vos bontés me sont cheres, & si votre oubli m’est facile à supporter.

Je suis fâché que vous ne puissiez habiter votre maison que dans un an. Tant qu’on en est encore aux châteaux en Espagne, toute habitation nous est bonne en attendant ; mais quand enfin l’expérience & la raison nous ont appris qu’il n’y a de véritable jouissance que celle de soi-même, un logement commode & un corps sain deviennent les seuls biens de la vie, & dont le prix se fait sentir de jour en jour, à mesure qu’on est détaché du reste. Comme il n’a pas fallu si long-tems pour faire votre jardin, j’espere que dès-à-présent il vous amuse, & que