Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/498

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mit à lire dans un projet de lettre à un Ministre de Geneve des détails d’entretiens qui n’avoient jamais existé, mais où il plaçoit à la vérité fort heureusement quelques mots par-ci par-là, dits à la volée & sur un tout autre objet. Jugez, Monsieur, de mon étonnement : il fut tel que j’eus besoin de toute la longueur de cette lecture pour me remettre en l’écoutant. Dans les endroits où la fiction étoit la plus forte il s’interrompoit en me disant : Vous sentez la nécessité.... ma situation.... ma place....il faut bien un peu se prêter. Cette lettre, au reste étoit faite avec assez d’adresse, & à peu de chose près il avoit, grand soin de ne m’y faire dire que ce que j’aurois pu dire en effet. En finissant il me demanda si j’approuvois cette lettre, & s’il pouvoit l’envoyer telle qu’elle étoit.

Je répondis que je le plaignois d’être réduit à de pareilles ressources ; que quant à moi je ne pouvois rien dire de semblable : mais que, puisque c’étoit lui qui se chargeoit de le dire, c’étoit son affaire & non pas la mienne ; que je n’y voyois rien non plus, que je fusse obligé de démentir. Comme tout ceci reprit-il, ne peut nuire à personne & peut vous être utile ainsi qu’à moi, je passe aisément sur un petit scrupule qui ne seroit, qu’empêcher le bien. Mais dites-moi, au surplus, si vous êtes content de cette lettre, & si vous n’y voyez rien à changer pour qu’elle soit mieux. Je lui dis que je la trouvois bien pour, la fin qu’il s’y proposoit. Il me pressa tant, que pour lui complaire, je lui indiquai quelques légeres corrections, qui ne signifioient pas grand’chose. Or il faut savoir que de la maniere dont nous étions assis, l’écritoire émit devant M. de M. ; mais durant tout ce petit colloque il la pousse comme par hasard devant