Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/499

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moi ; & comme je tenois alors sa lettre pour la relire, il me présenta la plume pour faire les changemens indiqués ; ce que je fis avec la simplicité que je mets à toute chose. Cela fait, il mit son papier dans sa poche, & s’en alla.

Pardonnez-moi ce long détail, il étoit nécessaire. Je vous épargnerai celui de mon dernier entretien avec M. de M. qu’il est plus aisé d’imaginer. Vous comprenez ce qu’on peut répondre à quelqu’un qui vient froidement vous dire : Monsieur, j’ai ordre de vous casser la tête ; mais si vous voulez bien vous casser la jambe, peut-être se contentera-t-on de cela. M. de M. doit avoir eu quelquefois à traiter de mauvaises affaires. Cependant je ne vis de ma vie un homme aussi embarrassé qu’il le fut vis-à-vis de moi dans celle-là. Rien n’est plus gênant en pareil cas que d’être aux prises avec un homme ouvert & franc, qui sans combattre avec vous de subtilités & de ruses, vous rompt en visiere à tout moment. M. de M. assure que je lui dis en le quittant que s’il venoit avec de bonnes nouvelles je l’embrasserois, si non que nous nous tournerions le dos. J’ai pu dire des choses équivalentes, mais en termes plus honnêtes, & quant à ces dernieres expressions je suis très-sûr de ne m’en être point servi. M. de M. peut reconnoître qu’il ne me fait pas si aisément tourner le dos qu’il l’avoit cru.

Quant au dévot pathos dont il use pour prouver la nécessité de sévir, on sent pour quelle sorte de gens il est fait, & ni vous ni moi n’avons rien à leur dire. Laissant à part ce jargon d’inquisiteur, je vais examiner ses rairons vis-à-vis de moi, sans entrer dans celles qu’il pouvoit avoir avec d’autres.

Ennuyé du triste métier d’Auteur pour lequel j’étois si peu