Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/535

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parlois que François., n’a pas voulu me parler Anglois, de sorte que l’entrevue s’est passée à-peu-près sans mot dire. J’ai pris goût à l’expédient ; je m’en servirai avec tous mes voisins, si j’en ai, & dussé- je apprendre l’Anglois, je ne leur parlerai que François, sur-tout si j’ai le bonheur qu’ils n’en sachent pas un mot. C’est à -peu- près la ruse des singes qui, disent les Negres, ne veulent pas parler quoiqu’ils le puissent, de peur qu’on ne les fasse travailler.

Il n’est point vrai du tout que je sois convenu avec M. Gosse de recevoir un modele en présent. Au contraire, je lui en demandai le prix, qu’il me dit titre d’une guinée & demie, ajoutant qu’il m’en vouloit faire la galanterie, ce que je n’ai point accepté. Je vous prie donc de vouloir bien lui payer le modele en question, dont M. Davenport aura la bonté de vous rembourser. S’il n’y consent pas, il faut le lui rendre & le faire acheter par une autre main. Il est destiné pour M. Du Peyrou, qui depuis long-tems desire avoir mon portrait, & en a fait faire un en miniature qui n’est point du tout ressemblant. Vous êtes pourvu mieux que lui, mais je suis fâché que vous m’ayez ôté par une diligence aussi flatteuse le plaisir de remplir le même devoir envers vous. Ayez la bonté, mon cher Patron, de faire remettre ce modele à MM. Guinand & Hankey, Little -St. Hellen’s Bishopsgate-Street, pour l’envoyer à M. Du Peyrou par la premiere occasion sure. Il gele ici depuis que j’y suis : il a neigé tous les jours : le vent coupe le visage ; malgré cela, j’aimerois mieux habiter le trou d’un des lapins de cette garenne que le plus bel appartement de Londres. Bonjour, mon cher Patron, je vous embrasse de tout mon cœur.