Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/566

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L’affaire de la pension n’étoit pas terminée. Il ne fut pas difficile à M. Hume d’obtenir de l’humanité du Ministre & de la générosité du Prince qu’elle le fût. Il fut chargé de me le marquer, il le fit. Ce moment fut, je l’avoue, un des plus critiques de ma vie. Combien il m’en coûta pour faire mon devoir ! Mes engagemens précédens, l’obligation de correspondre avec respect aux bontés du Roi, l’honneur d’être l’objet de ses attentions, de celles de son Ministre, le desir de marquer combien j’y étois sensible, même l’avantage d’être un peu plus au large en approchant de la vieillesse, accablé d’ennuis & de maux, enfin l’embarras de trouver une excuse honnête pour éluder un bienfait déjà presqu’accepté ; tout me rendoit difficile & cruelle la nécessité d’y renoncer ; car il le falloit assurément, ou me rendre le plus vil de tous les hommes en devenant volontairement l’obligé de celui dont j’étois trahi.

Je fis mon devoir, non sans peine, j’écrivis directement à M. le Général Conway,*

[*Voyez la lettre du 12 Mai 1766.] & avec autant de respect & d’honnêteté qu’il me fut possible, sans refus absolu, je me défendis pour le présent d’accepter. M. Hume avoit été le négociateur de l’affaire, le seul même qui en eût parlé ; non-seulement je ne lui répondis point, quoique ce fût lui qui m’eût écrit, mais je ne dis pas un mot de lui dans ma lettre. Troisieme soufflet sur la joue de mon Patron, & pour celui-là, s’il ne le sent pas, c’est assurément sa faute : il n’en sent rien.

Ma lettre n’étoit pas claire & ne pouvoir l’être pour M.