Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/634

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la méchanceté prêtent aux plantes, & qui bien examinées, se réduisent pour l’ordinaire à très-peu de chose, souvent tout-à-fait à rien. J’allois à Pila faire avec trois Messieurs, qui faisoient semblant d’aimer la botanique, une herborisation dont le principal objet étoit un commencement d’herbier pour l’un des trois à qui j’avois tâché d’inspirer le goût de cette douce & aimable étude. Tout en marchant, M. le Médecin M ***. m’appella pour me montrer, disoit-il, une très-belle Ancolie. Comment, Monsieur, une Ancolie ! lui dis-je en voyant sa plante : c’est le Napel. Là-dessus je leur racontai les fables que le peuple débite en Suisse sur le Napel, & j’avoue qu’en avançant & nous trouvant comme ensevelis dans une forêt de Napels, je crus un moment sentir un peu de mal de tête, dont je reconnus la chimere, & ris avec ces Messieurs presque au même instant.

Mais au lieu d’une plante à laquelle je n’avois pas songé, j’ai vraiment & vainement cherché à Pila une fontaine glaçante qui tuoit, à ce qu’on nous dit, quiconque en buvoit. Je déclarai que j’en voulois faire l’essai sur moi-même, non pas pour me tuer, je vous jure, mais pour désabuser ces pauvres gens sur la foi de ceux qui se plaisent à calomnier la nature, craignant jusqu’au lait de leur mere, & ne voyant par-tout que les périls & la mort. J’aurois bu de l’eau de cette fontaine comme M. Storck a mangé du Napel. Mais au lieu de cette fontaine homicide qui ne s’est point trouvée, nous trouvâmes une fontaine très-bonne, très-fraîche dont nous bûmes tous avec grand plaisir & qui ne tua personne.

Au reste, mes voyages pédestres ayant été jusqu’ici tous