Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/635

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très-gais, faits avec des camarades d’aussi bonne humeur que moi, j’avois espéré que ce seroit ici la même chose. Je voulus d’abord bannir toutes les petites façons de ville ; pour mettre en train ces Messieurs, je leur dis des canons ; je voulus leur en apprendre ; je m’imaginois que nous allions chanter, criailler, folâtrer toute la journée. Je leur fis même une chanson (l’air s’entend) que je notai, tout en marchant par la pluie, avec des chiffres de mon invention. Mais quand chanson fut faite, il n’en fut plus question, ni d’amusemens, ni de gaîté, ni de familiarité ; voulant être badin tout seul, je ne me trouvai que grossier ; toujours le grand cérémonial, & toujours Monsieur dom Japhet : à la fin je me le tins pour dit ; & m’amusant avec mes plantes, je laissai ces Messieurs s’amuser à me faire des façons. Je ne sais pas trop si mes longues rabâcheries vous amusent. Je sais seulement que si je les prolongeois encore, elles vous ennuyeroient certainement à la fin. Voilà, Monsieur, l’histoire exacte de ce tant célebre pélerinage, qui court déjà les quatre coins de la France, & qui remplira bientôt l’Europe entiere de son risible fracas. Je vous salue, Monsieur, & vous embrasse de tout mon cœur.