Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/670

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mais qui n’ont jamais fait de mal qu’à moi ; & tous mes malheurs ne me viennent que de mes vertus. Je n’ai pu malgré tous mes efforts percer le mystere affreux des trames dont je suis enlacé ; elles sont si ténébreuses, on me les cache avec tant de soin que je n’en apperçois que la noirceur. Mais les maximes communes que vous m’alléguez sur la calomnie & l’imposture ne sauroient convenir à celle-là ; & les frivoles clameurs de la calomnie sont bien différentes, dans leurs effets, des complots tramés & concertés durant longues années, dans un profond silence, & dont les développemens successifs, dirigés par la ruse, opérés par la puissance, se sont lentement, sourdement & avec méthode. Ma situation est unique ; mon cas est inoui depuis que le monde existe. Selon toutes les réglés de la prévoyance humaine, je dois succomber ; & toutes les mesures sont tellement prises, qu’il n’y a qu’un miracle de la Providence qui puisse confondre les imposteurs. Pourtant une certaine confiance soutient encore mon courage. Jeune femme écoutez-moi, quoi qu’il arrive, & quelque sort qu’on me prépare : quand on vous aura fait l’énumération de mes crimes ; quand on vous en aura montré les frappans témoignages, les preuves sans réplique, la démonstration, l’évidence ; souvenez-vous des trois mots par lesquels ont fini mes adieux.

JE SUIS INNOCENT.

ROUSSEAU.

Vous approchez d’un terme intéressant pour mon cœur ; je desire d’en savoir l’heureux événement aussi-tôt qu’il sera possible. Pour cela, si vous n’avez pas avant ce tems-là de mes nouvelles, préparez d’avance un petit billet que vous serez