Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/675

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réprimandes plus que séveres dont il vous plaît d’accabler fiérement le pauvre St. Preux, je ne puis m’empêcher de croire que, s’il étoit là pour vous répondre, il pourroit avec un peu plus de justice, vous en rendre quelques-unes à son tour.

Je conviens pourtant, Monsieur, que votre lettre est très-bien faite, & je vous trouve sort disert pour un désespéré. Je voudrois vous pouvoir féliciter sur votre bonne-foi comme sur votre éloquence, mais la maniere dont vous narrez notre entrevue, ne me le permet pas trop. Il est certain que je me serois, il y a dix ans, jetté à votre tête, que j’aurois pris votre affaire avec chaleur ; & il est probable que, comme dans tant d’affaires semblables dont j’ai eu le malheur de me mêler la pétulance de mon zele m’eût plus nui qu’elle ne vous auroit servi. Les plus terribles expériences m’ont rendu plus réserve ; j’ai appris à n’accueillir qu’avec circonspection les nouveaux visages, & dans l’impossibilité de remplir à la fois tous les nombreux devoirs qu’on m’impose, à ne me mêler que des gens que je connois. Je ne vous ai pourtant point refuse le conseil que vous m’avez demandé. Je n’ai point approuvé le ton de votre lettre à M. de M., je vous ai dit ce que j’y trouvois à reprendre ; & la preuve que vous entendîtes bien ce que je vous disois, est que vous y répondîtes plusieurs sois. Cependant vous venez me dire aujourd’hui que le chagrin que je vous montrai, ne vous permit pas d’entendre ce que je vous dis, & vous ajoutez qu’après de mûres délibérations, il vous sembla d’appercevoir que je vous blâmois de vous être un peu trop abandonné à votre haine : mais vraiment il ne falloit pas de bien mûres délibérations pour appercevoir cela, car je