Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/89

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Conseils ; soit que l’habitude des formalités nuise à l’expédition des affaires qui n’en veulent point, soit qu’il y ait une incompatibilité naturelle entre ce qu’on appelle maximes d’Etat & la justice & les loix.

Au reste, laissant les faits à part, je croirois, quant à moi, que le Prince & le Philosophe pouvaient avoir tous deux raison sans s’accorder dans leur systême ; car, autre chose est l’administration passagere & souvent orageuse d’une Régence, & autre chose une forme de gouvernement durable & constante qui doit faire partie de la constitution de l’Etat. C’est ici, ce me semble, qu’on retrouve le défaut ordinaire à l’Abbé de St. Pierre qui est de n’appliquer jamais assez bien ses vues, aux hommes, aux temps, aux circonstances, & d’offrir toujours comme des facilités pour l’exécution d’un projet, des avantages qui lui servent souvent d’obstacles. Dans le plan dont il s’agit, il vouloit modifier un gouvernement que sa longue durée a rendu déclinant, par des moyens tout-à-fait étrangers à sa constitution présente : il vouloit lui rendre cette vigueur universelle qui met, pour ainsi dire, toute la personne en action. C’étoit comme s’il eût dit à un vieillard décrépit & gouteux ; marchez, travaillez, servez-vous de vos bras et de vos jambes ; car l’exercice est bon à la santé.

En effet : ce n’est rien moins qu’une révolution dont il est question dans la Polysynodie, & il ne faut pas croire, parce qu’on voit actuellement des Conseils dans les Cours des Princes, & que ce sont des Conseils qu’on propose, qu’il y ait peu de différence d’un système à l’autre. La différence est telle qu’il faudroit commencer par détruire tout ce qui existe pour