Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/99

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réunir dans ses mains toutes les rênes de l’Etat ; mais, sous un Prince foible ou peu laborieux, cette administration est mauvaise, embarrassée, sans systême & vues, faute de liaison entre les parties & d’accord entre les Ministres ; surtout si quelqu’un d’entre eux plus adroit ou plus méchant que les autres tend en secret au Visirat. Alors tout se passe en intrigues de Cour, l’Etat de meure en langueur, & pour trouver la raison de tout ce qui se fait sous un semblable Gouvernement il ne faut pas demander à quoi cela sert, mais à quoi cela nuit.

Pour la Polysynodie de l’Abbé de St. Pierre, je ne saurois voir qu’elle puisse être utile ni praticable dans aucune véritable Monarchie ; mais seulement dans une sorte de Gouvernement mixte, où le chef ne soit que le président des Conseils, n’ait que la puissance exécutive & ne puisse rien par lui-même : encore ne saurois-je croire qu’une pareille administration pût durer long-tems sans abus ; car les intérêts des sociétés partielles ne sont pas moins séparés de ceux de l’Etat, ni moins pernicieux à la République que ceux des particuliers, & ils ont même cet inconvénient de plus, qu’on se fait gloire de soutenir, à quelque prix que ce soit, les droits ou les prétentions du corps dont on est membre, & que ce qu’il y a de mal-honnête à se préférer aux autres, s’évanouissant à la faveur d’une société nombreuse dont on fait partie, à force d’être bon Sénateur on devient enfin mauvais citoyen. C’est ce qui rend l’Aristocratie la pire des souverainetés ;*

[*Je parierois que mille gens trouveront encore ici une contradiction avec le Contrat Social. Cela prouve qu’il y a encore plus de Lecteurs qui devroient apprendre à lire, que d’Auteurs qui devroient apprendre à être conséquens.] c’est